Description
Avant 1946, ma mère qui avait grandi dans le canton de Berne avait rarement quitté son canton. Elle parlait mal le français. Vivre à l’étranger, en France, dans un pays qui sortait tout juste d’une guerre particulièrement violente était pour elle une épreuve presque insurmontable. Elle aimait pourtant accueillir tous ceux que mon père, «le pasteur des Suisses», trouvait sur son chemin, mais quittait rarement Cathala, son havre, sa patrie, son refuge. Après chaque sortie, elle retrouvait, soulagée, sa maison, la maison, ses armoires, ses piles de draps, ses tiroirs, ses réserves de guerre, ses enfants et ceux que mon père lui amenait. Elle jetait une bûche dans l’âtre, faisait craquer une allumette puis se relevait, mettait son tablier de cuisine pour accueillir tout un peuple de solitaires et d’affamés. Jusqu’au jour où la Garonne vint.
Madeleine Knecht Zimmermann est née le 11 août 1943, à Bâle. Elle a fréquenté l’Université de Lausanne où elle a obtenu une licence en Lettres en 1965. Mariée, puis veuve et mère de famille, elle a enseigné le français à Lausanne, au Collège du Belvédère d’abord, au Gymnase de Chamblandes plus tard. Depuis qu’elle a pris sa retraite, elle voyage sur la trace des siens. Elle a travaillé dans les Archives de plusieurs pays pour écrire l’histoire de la famille de son père, une famille nombreuse qui a traversé les cent cinquante dernières années avec son lot de guerres, de crises, d’émigrations et de bouleversements de toutes sortes. Pour ses recherches, elle a reçu récemment le prix Jean Thorens de la Société vaudoise d’Histoire et d’Archéologie.