Description
A Saint-Hippolyte sur le Doubs, un chat noir avec un point blanc sur le front descendait, de son pas de gymnaste désabusé, les marches de pierre courant à la rivière. Il voulait se mirer dans l’eau. Le vieil homme qui tentait de le suivre – est-on jamais dresseur de félins, je vous le demande ? – se cramponnait à la rampe de fer ; il eût voulu attraper le chat qui roulait des yeux verts aux fougères, à la truite arc-en-ciel, aux grenouilles coassantes, et même aux brins d’herbe gonflés de chlorophylle et qui se mesuraient aux ajoncs. L’aïeul l’appela par son nom: Aristophane. Mais le chat était un auteur comique et latin qui s’en allait, en toute liberté, tenir la conversation au lézard bleu. Celui-ci se prélassait sous le pont, avant de disparaître prestement dans une anfractuosité du mur. Aristophane l’attrapa par le bout de la queue et ils tombèrent tous les deux dans le Doubs. La rivière s’ébroua, à la manière d’un colvert surpris en galante musardise. Par humanité bien ordonnée, le vieil Hippolytain tendit la perche au félidé et l’emporta dégoulinant dans son panier : Aristophane était son unique commensal. A Saint-Hippolyte sur le Doubs, je vis un jour Aristophane descendre les marches de pierre qui menaient au bord de la rivière. Cramponné à la rampe de fer, un homme très vieux et solitaire se composait un rêve dans les yeux verts de son chat noir.
Alphonse Layaz a 75 ans et vit dans le Chablais. Il écrit des romans, des nouvelles, des récits, des contes, des poèmes. Pour se souvenir. Soixante petits faits divers n’échappe pas à une belle exigence d’écriture et à une quête philanthropique constante qui caractérise l’œuvre de cet auteur.
